Avis du professeur Antoine Flahaut

L’improbable vaccin pour tous  (fin juillet 2009) 


Professeur Antoine Flahaut :

Directeur de l'EHESP

Directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique de Rennes


La décision de vacciner toute une population ne peut pas être uniquement politique. Elle ne peut pas reposer sur une réunion des ministres de la santé d’Europe ou d’ailleurs. Elle doit clairement s’appuyer sur des résultats d’études conduites en population et publiées dans de grandes revues soumises à la critique des scientifiques.

Nous ne disposons pas de ces travaux aujourd’hui.

Nous ne disposons pas d’une seule étude probante - à ma connaissance - sur l’efficacité du vaccin utilisé comme barrière épidémique.

Nous ne disposons pas d’études sur la sécurité d’utilisation du vaccin - ni du vaccin pandémique ce qui est normal, ni des vaccins saisonniers - en cas d’utilisation dans de larges segments de la population jeune (à part une ancienne étude réalisée au Japon, et peu détaillée).

Nous ne disposons pas d’études sur l’acceptation sociale d’une telle stratégie.

  C’est peut-être dommage. Nous ne nous sommes pas préparés à celà. Nous attendions un virus H5N1, si différent, si dangereux, que l’analogie avec la grippe saisonnière semblait presque hors sujet, voire sans intérêt. Aujourd’hui nous mesurons à quel point s’être préparés au pire (H5N1) n’était pas d’une grande utilité pour affronter le moindre (H1N1), qui plus est, ne sera peut-être pas si moindre que cela.

 Non, il y a tout lieu de penser, compte-tenu de ces incertitudes, compte-tenu que l’on n’ait jamais cherché à enrayer aucune épidémie de grippe saisonnières nulle part, que l’on ne voudra pas se lancer dans pareille aventure, sans expérience préalable, sans filet, au cours de la pandémie à l’automne.

 C’est dommage, mais ce serait prendre un risque qu’à mon avis personne ne voudra assumer. A raison.

Peut-être l’absence de disponibilité des vaccins aidera en quelque sorte ou plutôt contraindra notre choix.

Le seul choix possible sera alors la stratégie de protection des personnes à risque. En commençant par les plus âgées, et celles qui ont des problèmes de santé. En l’étendant sans doute à celles que l’on aura pu identifier comme à risque spécifiquement du virus H1N1 (peut-être les obèses, les femmes enceintes ?)  On devra vacciner aussi les personnels de santé, pas tant pour qu’ils soient moins absents de leurs postes au moment de la pandémie, car là non plus, nous ne disposons pas des études qui auraient tout à fait pu être réalisées au cours des épidémies saisonnières passées pour montrer cet intérêt. La vaccination des personnels de santé s’entendra surtout pour la protection des personnes à risque dont ils s’occupent, pour ne pas leur transmettre eux-mêmes le virus contracté par un patient précédent (ou ailleurs).


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